Île de Jura ; quelques chiffres d'abord pour la décrire : 50 km de long, 10 de large comme un immense paquebot avec ses trois cheminées, les trois Paps, dont les sommets se perdent dans les nuages à moins que ce soit dans la fumée qu'ils engendrent; une seule route, côte orientale, sous le vent ; 200 habitants, une distillerie, 6000 cerfs. Le nom ? Il provient du vieux norrois, dyr-a, anglicisé en deer Island, l'île aux cerfs. Et ce n'est pas usurpé car on en voit un peu partout, dans les bois, les tourbières, les prairies, les grèves. Seuls, en harde, avec des chevaux ou des moutons, et les cerfs ont l'oeil farouche sous leur fière ramure, les biches l'ont naturellement langoureux et les faons apitoyant, parce que Bambi et tout ça...
Il y a aussi des habitants, isolés de tout, et au bout du bout, une maison abandonnée où George Orwell écrivit "1984". Comment peut-on écrire un roman d'anticipation sur l'hyper urbanisation dans un lieu aussi désolé et la surveillance de Big Brother alors que l'on ne trouve en 2017 qu'un semblant de réseau à proximité de la distillerie ?
Petite traversée pour retourner sur l'île voisine de Islay sous un soleil revenu après les trombes d'eau du matin. Et nous sacrifierons une nouvelle fois au culte du dieu du lieu, n'y ferons cette fois-ci que deux offrandes, et observerons les vrais croyants qui tentent de faire les 12 distilleries dans le week-end, reconnaissables à leur démarche lourde et leurs yeux brillants. Sans doute un effet de leur ferveur qui vous mène à tout, comme ce quatuor de Français méridionaux qui, pressés d'ajouter un autre temple du whisky à leur journée la finirent quelques virages plus loin dans le fossé !
Nous, très sobrement et très calmement, nous embarquons pour revenir sur le "continent" sans craindre cette maudite conduite à gauche et ces routes traîtresses.
Kannacraig (Presqu'île de Kintyre)
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